Après 15 années d'hésitation, les mobinautes sont en passe de faire jeu égal avec les internautes classiques. Enfin, presque, car en matière d'e-commerce, rien n'est jamais simple.
Toutes les études s'accordent sur le fait que l'internet mobile est en passe de rattraper l'internet fixe. Elles ne s'accordent pas sur la vitesse de rattrapage en revanche, qui varie en fonction de la population étudiée (pays développés vs pays émergent vs pays sous-développés), le type d'utilisation (social, email, sites web, application...) ou encore le type d'usage commerciale (shopping, préparation des achats, transactions, paiement, commerce connecté, etc...)
Les convictions des professionnels en la matière évoluent en fonction des modes. En 2010, ceux qui prenaient la parole, expliquaient qu'il était impensable qu'un site d'e-commerce ne dispose pas d'une application. Le site était alors considéré comme Has Been. Imaginer qu'il suffisait de créer une version mobile de son site, c'était passer à côté des spécificités des smartphones qui permettent de faire tellement plus que de simplement diffuser de l'information et enregistrer les commandes.
C'est l'époque des premiers tests de shopping en réalité augmentée, par exemple.
Et, puis, on s'aperçoit que le mobinaute ordinaire ne souhaite pas nécessairement utiliser TOUTES les fonctionnalités de son téléphone, surtout lorsqu'il veut s'acheter une petite robe.
D'ailleurs, il n'achète pas de robe sur son mobile sauf sur... l'application de Vente Privée. En dehors de Vente Privée, il n'achète d'ailleurs que sur des applications telles que Voyages SNCF. Il utilise aussi son mobile pour dénicher des deals et notamment des bons plans de sorties sur des sites comme Bonne Journée pour profiter de sorties culturels avec ses amies.
On commence à réaliser que, finalement, le mobinaute n'est pas prêt à faire l'effort d'installer n'importe quelle application sur son smartphone. Les places pour les applications sont chères. On découvre que le nombre d'applications que l'internaute installe est limité, mais, même encore à l'heure actuelle, le nombre moyen d'applications installées sur un smartphone n'est toujours pas bien défini. Certaines études citent le chiffre de 26 applications utilisées. Les plus optimistes parlent de 130 applications installées. La vérité doit se trouver entre les deux. A moins qu'elle ne soit plus complexe et que le nombre d'application installée varient en fonction de la capacité mémoire du smartphone. C'est bête comme chouchou, mais peut-être qu'un possesseur d’iPhone 6S doté de 64Go de mémoire installe plus d'applications qu'un possesseur d'un smartphone d'entrée de gamme à 8Go de mémoire.
Comme on s'aperçoit que sans rien faire, le trafic mobile sur les sites d'e-commerce, « mobile friendly » ou pas, augmente, les mobinautes préfèrent les sites mobiles aux applications lorsqu'ils ont le choix, pour les entreprises dont ils ne sont pas clients fidèles.
Les outils de Mobile Analytics, commencent ensuite à cracher des chiffres. Les professionnels découvrent que le mobinaute moyen réalise peu de transaction sur le mobile. On a peut-être un peu surestimé le potentiel du mobile commerce. C'est dingue, les mobinautes normaux, ils achètent peu sur leur mobile. Les professionnels qui, eux-mêmes, achètent peu auraient pu s'en apercevoir avant.
On émet donc, l'hypothèse qu'intrinsèquement, le mobile n'est pas un outil qui permet aux sites d'e-commerce de réaliser des conversions. Cela est paradoxale, compte tenu des dizaines de start-up qui ambitionne de devenir le Paypal du mobile. On « préparerait », en effet, seulement ses achats à temps perdu sur le mobile et on conclurait sur son ordinateur portable ou une tablette. D'ailleurs, on s'aperçoit que bien que théoriquement mobile, une tablette ressemble plus à un ordinateur sans clavier, qu'à un gros téléphone mobile, dans les usages effectifs. On aurait pu y penser plus tôt : sans connexion 3G, doté d'une simple connexion Wifi et utilisée surtout dans son canapé ou dans son lit, la tablette se rapproche effectivement d'un ordinateur portable.
Et puis, les chiffres du mobile commerce progresse, la FEVAD parle de 4 milliards EUR pour le m-commerce en 2014. D'autres sites mobiles et applications que celle de la SNCF et de Vente Privée, voient enfin leur chiffre d'affaires décollés. Le smartphone ne serait pas intrinsèquement incompatible avec l'e-commerce.
Théorie de l'auteur de cet article : en 2000, je me suis aperçu que les courbes du nombre de cyberacheteurs et d'internautes évoluaient de façon parallèle : le nombre de cyberacheteur en 1999 correspondaient à peu près au nombre d'internaute en 1996. Ce décalage de 3 ans s'expliquaient (toujours selon l'opinion hautement subjective de l'auteur de cet article), par le fait qu'il fallait d'abord se familiariser avec un terminal avant d'avoir le courage d'y déposer son précieux numéro de carte bleue.
Explication complémentaire : les sites et applications mobiles d'e-commerce n'étaient pas très optimisés pour la conversion jusqu'en 2014. On trouvait encore de nombreux sites qui demandaient de décoder des Captcha illisibles sur mobile et surtout, en 2015, encore, seuls 25 % des sites d'e-commerce ont une version vraiment optimisées pour les smartphones. Il a fallu attendre fin 2014 pour que la FNAC propose enfin une version pensée pour le mobile et mi 2015 pour que la marque française Caroll commence à vendre ses tuniques femme sur mobile. Alors que certains acteurs comme La Redoute avait déjà un site mobile pour les versions étrangères en 2011. Comment attendre des autres sites qu'ils fassent beaucoup mieux.
Ces différents freins à l'achat se levant progressivement, le petit frère de l'e-commerce, le m-commerce peut enfin, se redresser et se mettre à marcher sur deux jambes.
Tout n'est pas pour autant résolu, loin s'en faut.
Le problème des processus d'achats complexes
Tout d'abord, parce que le mobile, même s'il ne convertit pas immédiatement un visiteur en acheteur, s'insère souvent dans le processus de conversion aboutissant à une vente sur un autre terminal ou sur un autre canal :
1. Mobile to desktop
C'est probablement le scénario le plus courant. L'acheteur commence sa recherche sur le mobile, la précise sur son ordinateur fixe ou portable et achète un peu plus tard.
2. Mobile to store
Le mobinaute touriste arrive dans une ville, cherche un restaurant et se rend dans le restaurant identifié.
3. Mobile to Mobile
Le mobinaute trouve le site d'e-commerce lors d'une recherche sur Google mobile et réalise sa transaction sur l'application.
Le problème de l'attribution et du tracking cross device
Les systèmes de tracking des ventes des sites web classiques ont de plus en plus de difficultés à attribuer la paternité d'une vente pour différentes raisons : 10 % des internautes bloqueraient, d'une façon ou d'une autre les cookies, ce qui rend inopérant la plupart des systèmes de tracking classiques. Google moteur de recherche masque les mots clés à Google Analytics (les fameux mots-clés « NOT PROVIDED »). Les systèmes de retargeting « volent » la conversion sur le dernier clic. Difficile pour le responsable e-commerce pour déterminer, alors le rôle de chaque levier web classique, sauf à disposer d'un couteux outil d'analyse d'attribution comme Adobe Analytics (ex Omniture). Si, en plus, les internautes se mettent à alterner connexion via Safari, ouverture d'une application iPad et connexion sur le web classique à partir de leur ordinateur de travail, les stratégies de tracking des ventes sont souvent mises en échec, en dépit du discours que tiennent les Google et Facebook qui affirment pouvoir suivre un internaute de son mobile à son fixe.
La vitesse d'évolution du comportement des utilisateurs
Le mobile est à la fois un terrain de jeu pour les start-ups les plus innovantes et un enjeu stratégique pour de nombreux conglomérats internet, qui stimule l'innovation au point d'encourager les utilisateurs à totalement modifier leur comportement en quelques années. En 2010, Instagram, Facebook ou WhatsApp n'avaient pas la place qu'ils ont aujourd'hui. Avant l’iPhone 6, les consommateurs, achetaient encore GPS et appareil photo numérique en plus de leur smartphone et regardaient la télévision sur leur télévision. Qui aurait pensé en 2012, seulement, que les ados écouteraient de la musique sur YouTube mobile ?
La vitesse d'évolution des comportements rend difficile l'analyse des comportements sur le mobile et donc l'identification des stratégies gagnantes d'aujourd'hui.
Maintenant que le paysage complexe et déstabilisant est planté, voici quelques conseils basiques pour débutant.
Afin d'aborder ce terrain de e-commerce particulier, deux angles d'attaque doivent être développés en priorité : passage du site web de l'enseigne en mobile-friendly et mise-en-place d'une stratégie m-publicitaire intelligente.
Définir des profils-types et fixer des objectifs simples
Alors que la radio, la télévision et la presse écrite constituent un canal de communication à sens unique, le mobile, à l'image de son grand frère internet, permet un flux d'information bidirectionnel. Toute société d'e-commerce a ainsi l'opportunité inouïe de recueillir un grands nombre de renseignements concernant ses clients. Il est donc vital de « mettre le nez » dans les statistiques de trafic des moyens de communications employés.
Mais encore faut-il posséder les bons instruments de mesures ! De nombreuses solutions de tracking et d'analyse adaptées aux mobiles sont aujourd'hui disponibles, avec chacune son lot d'avantages et d'inconvénients. Cependant, un critère de choix s'avère fondamental : l'indépendance du service proposé, qui permet d'obtenir des data non-biaisés par une éventuelle relation du prestataire d'outils d'analyse avec tel ou tel canal de communication.
Le recueil des données permet de se faire une idée précise des « buyer personae » s'intéressant aux produits ou services, c'est-à-dire d'établir quatre à cinq profils de prospects en fonction de leur âge, leur géolocalisation, leur catégorie socio-professionnelle, etc.
Ces profils-types doivent être examinés en regard des objectifs de l'entreprise. En effet, avant de se lancer dans une campagne de marketing mobile, il est nécessaire de définir des attentes précises. S'agit-il d'augmenter les ventes, de faire connaître une marque ou de fidéliser les consommateurs ? Les objectifs fixés devront être simples, réalistes et limités dans le temps.
Une fois ces deux plans définis, la société peut se lancer vers l'opportunité majeure qu'offre le mobile marketing : bâtir avec ses clients une relation « one to one ».
Un site mobile-friendly : le nerf de guerre du m-commerce
Trois paramètres essentiels sont à prendre en compte : l'affichage du site, ses web performances et l'accessibilité de l'action d'achat.
L'ergonomie visuelle du site de l'entreprise doit être pensée pour un écran de smartphone. Par conséquent, l'affichage ne doit pas dépasser 500 px de large, afin d'éviter le scroll horizontal - contrainte technique très mal perçue par les mobinautes. En outre, c'est toute l'organisation du site qui doit être repensée, afin d'augmenter la clarté et la simplicité de navigation. Comme le résume cette illustration d'Emmy Jonassen, l'épuration de design constitue un mot d'ordre clé.
Quantité de statistiques existent sur la question, mais toutes s'accordent à dire qu'environ 60 % des mobinautes quittent une page si celle-ci met plus de 3 secondes à s'afficher. Encore plus grave : selon une étude américaine (Fast Company), quatre consommateurs sur dix abandonnent leur panier si le chargement est jugé trop lent. Il est ainsi impératif de veiller à la légèreté du site et de vérifier sa vitesse de fonctionnement de manière régulière.
Dans le cadre d'un site de e-commerce, ce n'est pas la page d'accueil qui doit être favorisée, mais la fiche-produit. En effet, c'est sur cette page que les usagers seront redirigés en priorité. Toutes les informations concernant un article ou un service doivent donc y être sommées. Bien réalisé, ce travail permet d'augmenter le volume et la qualité du contenu relié au produit vendu, ce qui boostera sa position dans les moteurs de recherche et favorisera la venue des mobinautes.
Last but not least, un site proposant la vente en ligne doit absolument être efficace dans l'action d'achat ! Les boutons « acheter » doivent être accessibles à partir de la majorité des pages du site. On veillera également à bien choisir sa plateforme de paiement partenaire : une solution de règlement sécurisée et rapide est un gage de sérieux qui favorisera la vente.
La publicité : un outil puissant à utiliser avec précaution
L'étude « Mobile marketing consumer report 2015 », réalisée par la MMA et l'institut GFK sur 1003 adultes possédant un mobile ou une tablette en France, nous apprend que la connotation négative traditionnellement associée à la publicité peut être contrée par l'emploi d'offres promotionnelles. Ainsi, la moitié des interrogés se déclare intéressée par des promotions éclair, tandis que 75 % d'entre eux sont d'accord pour recevoir des offres de réduction. Dans le même temps, les vidéos intempestives, les publicités en plein écran et les bannières ne satisfont que 28 % des mobinautes - ce qui signifie que 72 % d'entre eux y sont opposés ! Afin d'adoucir cette tendance, il peut être intéressant de cibler au maximum les personnes qui verront la publicité : un encart discret proposant à une employée de bureau, vers les douze coups de midi, une livraison de pizza express sera mieux perçue qu'une publicité en plein écran vantant un parfum pour homme ! Cibler permet à la fois de réaliser des économies (puisque cela limite la diffusion à un public donné, et, par conséquent, l'espace à louer) et de minimiser les risques de détérioration de son image de marque.
Malgré sa réputation un peu démodée, l'emploi de sms/mms publicitaires paraît encore être une stratégie efficace. En effet, l'inscription des textos dans la sphère de l'utilisation intime en fait des véhicules promotionnels de choix : huit sms sur dix sont consultés, et 25 % sont conservés sur le téléphone après lecture. Ces moyens de communication permettent d'augmenter l'auditoire de l'entreprise, car ils touchent, en plus des utilisateurs des smartphones, les possesseurs de mobiles classiques. De quoi recruter des prospects en marge : publics plus âgés, acheteurs géographiquement en dehors de zones de 3G/4G, « technophobes »...
Attention, toutefois, au message lui-même : 90 % des sms/mms sont lus moins de 3 minutes après leur réception. Il ne faut donc pas hésiter à proposer des offres immédiates, afin que les clients potentiels aient une raison de se rendre sur le site marchand tout de suite... c'est-à-dire avant d'avoir le temps d'oublier l'invitation et d'enterrer le sms/mms publicitaire au fond de leur carte SIM !